Quatre-vingt ans de carrière.

Né Charles-Marie Vanel le 21 août 1892 à Rennes, le futur Charles Vanel a douze ans quand il suit ses parents à Paris où ceux-ci ouvrent un commerce. Renvoyé de plusieurs établissements scolaires, il traverse une triste adolescence avant de tenter de s'engager dans la marine, mais une mauvaise vue l'en exclut.

En 1908, il monte sur les planches et fréquente la troupe de Iossif Emoliev qui met en pratique les enseignements du dramaturge Constantin Stanislavski (qui inspirera l'Actor Studio). Il débute au cinéma en 1912 dans Jim Crown de Robert Péguy, avant de faire son service militaire.

Revenu à la vie civile, Charles Vanel travaille un temps au théâtre Antoine avant de se consacrer définitivement au cinéma. Entre les années 1910 et 1920, il se spécialise dans les personnages bourrus et amers.

Il réalise un long-métrage, Dans la nuit (1929), où il interprète un ouvrier défiguré par un accident qui est délaissé par son épouse. Il va également signer un court-métrage en 1931, Affaire classée : deux forains (lui-même et Pierre Larquey) tentent de vivre avec le souvenir d'un crime qu'ils commirent quelques années plus tôt. Ce film ressortira en 1935 sous le titre Le Coup de minuit.

L'avènement du parlant va être bénéfique à Charles Vanel : son phraser, sa voix phonogénique lui apporte une grande popularité. Il travaille à plusieurs reprises pour Maurice Tourneur (L'Équipage - 1928, Accusée, levez-vous - 1930, Au nom de la loi - 1932).

En 1932, il est, avec Pierre Blanchar et Gabriel Gabrio, le héros du film Les Croix de bois de Raymond Bernard d'après Roland Dorgeles. En 1934, il joue dans Le Grand jeu de Jacques Feyder avec Pierre-Richard Wilm et Marie Bell.

Dans Les Pirates du rail (1938) de Christian-Jaque, il interprète l'ingénieur d'une ligne de chemin de fer chinoise qui lutte contre des pillards menés par Erich Von Stroheim, et dans Carrefour (1938) de Curtis Bernhardt, dans le rôle d'un industriel devenu amnésique, il fait face à Jules Berry.

Il joue ensuite le 'caporal Dalrymple', poursuivant au Canada un prisonnier évadé (Pierre-Richard Wilm) et sa maîtresse (Michèle Morgan) dans La Piste du nord (1939- titré aussi La Loi du nord).

Sous l'Occupation, l'acteur continue sa carrière, apparaissant dans des films comme La Nuit merveilleuse (1940), Les Affaires sont les affaires (1942) ou Le Ciel est à vous (1944). Il reçoit même la Francisque en 1941.

La Libération n'interrompt pas sa carrière, il tourne dans Gringalet (Henri Berthomieu) ou La Cabane aux souvenirs (Jean Stelli), tout deux sortis en 1946, puis dans des films italiens (Le Pain des pauvres - Luigi Capriano -1948, Plus fort que la haine - Camillo Mastrocinque - 1950).

En France, il trouvera sa place dans les années cinquante avec deux grands rôles que lui offre Henri-Georges Clouzot : 'Jo', le compagnon de voyage d'Yves Montand dans Le Salaire de la peur (1953), qui lui vaudra d'ailleurs le prix du meilleur acteur à Cannes, et le 'commissaire Fichet' dans Les Diaboliques (1955), dont le personnage inspira, dit-on, les auteurs de la série Columbo pour créer leur héros.

Toujours en 1955, il est 'Bertrani', ancien complice de Cary Grant dans La Main au collet d'Hitchcock.

Un an plus tard, il est au générique de La Mort en ce jardin de Luis Buñuel, entouré de Georges Marshall, Simone Signoret et Michel Piccoli.

 Par la suite, Charles Vanel va se spécialiser dans les rôles de "patriarches" (L'Ainé des Ferchaux de Jean-Pierre Melville), de magistrats (La Vérité de Clouzot) ou de chef de "clans", comme dans Sept morts sur ordonnance de Jacques Rouffio où il est un "mandarin" directeur d'une clinique.

On le retrouve également dans Le Gorille vous salut bien et La Valse du Gorille de Bernard Borderie où il interprète le supérieur du héros, dans L'Aventure c'est l'aventure de Claude Lelouch, dans La Plus belle soirée de ma vie d'Ettore Scola, Cadavres Exquis de Francesco Rosi, Alice ou la dernière fugue de Claude Chabrol...

La carrière de l'acteur va courir ainsi sur plus de huit décennies, et faire de lui le doyen du cinéma français. Dans son dernier film, Les Saisons du plaisir (1988) de Jean-Pierre Mocky, il est entouré entre autres de Denise Grey, Jacqueline Maillan, Fanny Cotençon et Jean-Pierre Bacri.

Il va également être présent à la télévision dès les années 60 : On roule à deux de Georges Folgoas, Sébastien et la Mary-Morgane de Cécile Aubry, Le Père Goriot de Guy Jones, Les Thibault... Sa dernière prestation télévisuelle est pour Les Michaud (1982) de... Georges Folgoas.

Charles Vanel se retire à Mouan-Sartoux dans l'arrièrre-pays cannois, où il décède le 15 avril 1989.