• Où commence et où finit le western?

    Jamais anachronique ?

    Quand commence et quand finit le western ?Récemment, j'ai visionné des westerns de la période "Lone Star" de John Wayne, où apparaissent des automobiles et des téléphones. J'avais déjà fait la chronique de Un nommé Cable Hogue, La Horde sauvage, La Chevauchée sauvage, dans lesquels des engins motorisés partagent l'écran avec les traditionnels chevaux.

    C''est donc tout naturellement que la question s'est posée à moi : le genre cinématographique appelé "western" est-t-il limité dans l'espace et le temps ?

    J'ai jeté un oeil à la définition du mot dans le dictionnaire (Hachette encyclopédique, édition 1996) : "Western (n.m) : film d'aventures dont l'action se déroule dans l'Ouest américain au temps de sa conquête ; genre cinématographique représenté par ce type de film."

    Donc, le western est par définition un film d'aventures, une fiction. Mais il s'appuie souvent sur des éléments de l'Histoire américaine : il suffit de se rappeler que L'Homme qui tua Liberty Valance nous parle de l'avancée de la civilisation dans l'Ouest sauvage, ou que Le Brigand bien aimé est l'un des nombreux films consacrés aux conséquences de la Guerre de Sécession.

    Le cinématographe fut inventé alors que les derniers "héros" de l'Ouest parcouraient encore les plaines : Buffalo Bill, en bon "showman" qu'il était, fut l'un des premiers à se mettre en scène à l'écran. Wyatt Earp, Emmett Dalton devinrent conseillers techniques sur les premiers westerns. Tom Mix était un vrai cowboy avant de devenir acteur.

    On le vois, la frontière entre le western en tant que divertissement et l'Histoire est très ténue. Il y a des années, j'avais considéré que le genre était pour les américains ce que les films de cape et d'épée étaient pour nous, européens : une version "romancée", distanciée d'événements historiques.

    Où commence et où finit le western ?Mais il y a peut-être autre chose : l'Amérique est un pays "jeune", dont l'Histoire s'est concentrée en quelques sorte sur 500 ans environs. Tout ce que le vieux continent à connu en terme de guerres civiles, génocides, révolutions, évolution industrielle et culturelle sur des siècles s'est déroulé à vitesse grand V sur le continent américain.

     

    La Chevauchée sauvage : quand le moteur défie les chevaux... ▲

    Est-ce pour cela que le western nous fascine, nous, européens ? Nous donne-t-il l'impression de voir l'Histoire se dérouler "à chaud" ? Ou simplement est-ce une curiosité bien naturelle envers nos "cousins" d'outre-Atlantique ? Mais en ce cas, pourquoi avoir créer notre propre vision du genre, avec par exemple le "western-spaghetti" ?

    Et les américains eux-même, comment voient-ils le western ? Le genre a évolué, passant du simple divertissement familial des fifties à la prise de conscience politique dans les années 60/70 avant d'être sujet de parodie puis de devenir réaliste et violent.

    Le western est multiple, protéiforme. Il se cache dans d'autres genres comme le "space opéra", le policier, voire le film de guerre. Même si on le donne pour mort ou moribond, il réapparait toujours, en temps que tel - comme en témoigne les récents Homesman ou The Salvation, ou mâtiné de fantastique (Cow boys et envahisseurs, Dead in Tombstone).

    Cela explique pourquoi Anachronic Blog, au départ consacré au genre, s'est élargi aux autres thèmes cinématographiques. Et cela explique également pourquoi la question qui figure en titre de ce post ne connaitra sans doute pas de réponse satisfaisante.

    Où commence et où finit le western ?

    Où commence et où finit le western ?

     

    Photo de gauche : cette scène de Star Wars est typiquement "western".

    Photo de droite : Danel Craig curieusement armé dans Cowboys et envahisseurs.

     

     

    « Walter Brennan (1894- 1974)Michel Galabru (1922-2016) »

  • Commentaires

    1
    Samedi 6 Septembre 2014 à 13:41

    Bonjour. Je ne résiste pas à l'envie de la ramener car la question m'intéresse au plus haut point. Deux mots clés : "aventure" et "frontière". L'aventure, cette étrange passion qui a poussé les Européens à aller voir partout s'ils s'y trouvaient, conquérir, vivre des émotions fortes, à l'opposé du lopin de terre ou de l'échoppe familiale. La frontière comme lieu de limites, mais aussi d'échanges et de nouveaux possibles. Je crois que la conquête de l'ouest, avec ses sublimes et ses horreurs, et le récit épique que la caméra d'Hollywood en a tiré, a fixé les derniers codes, ceux sur lesquels nous vivons encore aujourd'hui. Prenons Le Dernier Des Mohicans, de Fennymore Cooper. On est encore dans le récit médièval, pas très loin du Ivanhoë de Scott. Une pincée de décennies plus tard, alors que le cinéma a imposé sa version, prenons, disons les westerns de Louis d'Amour ou même un chef d'oeuvre comme le Desesperado de Clifton D; Adams, les codes du western moderne se sont imposés. Et ils vont s'imposer à toute la littérature populaire, comme la représentation parfaite du rêve de "l'homme blanc". L'aboutissement. L'aventure ultime. La dernière frontière. Le gamin qui aujourd'hui part de son bled de Chine, d'Afghanistan ou du Mali pour gagner l'Europe, au prix de tant de souffrances, se fout pas mal du western. Il ré-invente l'aventure. La sienne. Un grand ami aventurier et écrivain me disait : "Tout le monde connait l'image du cowboy solitaire qui part vers le soleil couchant. Peu de gens réalisent que, s'il part ainsi, c'est qu'il a échoué, et que toute sa stratégie a consisté à préparer cet échec, parce qu'il ne vit que pour cet instant." Je ramasses les copies dans quatre heures...

    2
    Samedi 6 Septembre 2014 à 14:48
    Ouais. Pour commencer ça fait plaisir de voir quelqu'un qui évoque Louis Lamour et Clifton Adams. Ensuite, pourquoi le western? Parce nous vivons dans un pays magnifique mais étriqué et que les grands espaces, où la vue est infinie, sont ailleurs, en Amérique, en Russie, mais ailleurs. Vous pouvez toujours évoquer des paysages de France qui peuvent me contredire, mais la densité humaine relativisera votre propos. Ensuite, les matériaux naturels: bois, cuir, herbes, eau, roches, sans oublier les animaux sauvages et pas barres de HLM, résidences de luxe partout, absence programmée de liberté dans un monde codifié jusque dans vos WC en lieu et place d'une vie plus dure, peut être, mais pas pire que d'aller gagner sa croûte 40 ans en prenant le RER à heures fixes sans autres aventures que des faits divers atroces dans un pays où les gouvernants ne paient pas leurs impôts en l'imposant au commun des mortels. Alors, la différence? Se colleter à ça ou aux potentats d'alors, quelle importance. La dureté, la difficulté de vivre? Elle sont universelles, alors oui, j'aurai préféré vivre sur ce territoire et en ces temps là.
    3
    Samedi 6 Septembre 2014 à 15:18

    Bonjour Valcogne. Merci de la réponse. Je profite de l'occase pour vous dire que je visite parfois votre blog et que certaines de vos captions me font bien marrer. Vous posez la question fondamentale : pourquoi préférerions-nous être percés de flèches dans la diligence plutôt que d'aller sagement à la cantine ?

    4
    Samedi 6 Septembre 2014 à 19:23

    Dans l'absolu, chacun mène la vie qu'il veut et on peut me répondre: " Mais même aujourd'hui, il existe des coins "Western", que n'y êtes vous allé ?" . Je répondrai, comme les Jésuites, par une autre question : " N'étaient ce point les Rolling Stones qui disaient : You can't always get what you want ! "

    Ce faisant, je suis hors sujet, Val demandait: où commence et où finit le western. Elle a déjà cerné une partie de la réponse. Pour moi, le western a ses racines dans le moyen âge européen car qu'est ce d'autre qu'un cow boy sinon un cavalier, un chevalier. Dans le western on pend encore les gens, comme dans Robin des Bois, et ceux qu'on nommaient prévôts chez nous et Shérifs en Angleterre, on érige des forts en bois et en pierre, on couvre de grandes distances en diligence, on utilise les animaux de traits etc

    Alors,ensuite viennent les trains, les colts, les winchesters, le pétrole, le télégraphe, et j'en passe, mais que reste t'il des anciens temps ? L'homme, sa bravoure chevaleresque ou ses défauts, le désir de conquête, le chaos et la loi, la vengeance et la cupidité, l'amour même, donc tout ce qui est intemporel, décrit par le western, et peut se déplacer avec "l'esprit western" dans tous les genres, époques, contextes, possibles et imaginables.

    Quoiqu'il en soit Thierry, si quelqu'une de mes productions a pu vous faire rire, vous êtes un des rares à me l'avoir dit, à tel point que je me contente de critiquer ce que font les autres au lieu de me prendre le citron à inventer. smile

    5
    Samedi 6 Septembre 2014 à 20:15

    Merci d'avoir pris le temps de me répondre. Je crois qu'on est d'accord : le western est la dernière expression (on pourrait dire "avatar", tiens, tiens...) d'une aventure spécifiquement européenne. Le chevalier, l'explorateur... Une mythologie qui nous est propre depuis, disons Ulysse. Et qui va rester la dernière, car les lois - justes, les lois - se sont répandues aujourd'hui dans presque toute la planète. Il faut vraiment fouiner pour trouver un petit coin de farwest où vivre des aventures. Et là, croyez-moi, je sais de quoi je cause. Très amicalement, Valcogne. Et à bientôt.

    6
    Samedi 6 Septembre 2014 à 20:33

    Messieurs, votre discussion est passionnante et entraine ce post bien plus loin que je ne le pensais : le western, lien entre le Moyen-Âge et l'ère industrielle, le personnage du cowboy, dernier héros moderne, son implication dans notre imaginaire collectif...

    Bien sûr, aujourd'hui, l'aventure semble avoir trouvé un frein, surtout que la conquête spaciale est aujourd'hui quasiment au point mort... Heureusement que le cinéma est là pour nous donner encore de quoi rêver, avec le western mais aussi toutes ses "déclinaisons".

    Les derniers "westerns" ne seraient-ils pas les films "post-apocalyptiques" ? Le retour aux hommes livrés à eux-même et aux éléments ? Le sujet est loin d'être clos, tant il est vaste...

    7
    Samedi 6 Septembre 2014 à 21:39

    Les films "Post apocalyptiques", pourquoi pas ? Tu mets le doigt dessus, Val. Que sont ils d'autres que la vision d'une humanité qui, de 7 milliards d'âmes, se retrouve, pour des raisons diverses, diminuée de x fois et donc avec des espaces vides où la nature reprend ses droits comme bien avant notre ère ? Là est la place de l'aventurier, du westerner, même s'il prend les traits de Mad max, par exemple.

    8
    Samedi 6 Septembre 2014 à 22:01

    Un soir, je montre à ma compagne (qui n'est pas une fan de western ni même de film d'action) Le Livre d'Eli, post apocalypse s'il en est. Au bout de dix minutes, elle me dit : "En fait, c'est un western". Et ben, euh, oui...

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