• Alice Guy (1873-1968)

    Pionnière sortie de l'oubli.

    AliAlice Guy (1873-1968)ce Ida Antoinette Guy nait le 1er juillet 1873 à Saint Mandé. Elle passe les trois premières années de sa vie en Suisse, chez ses grands-parents, avant de rejoindre sa famille au Chili où son père dirige une chaine de librairies. À six ans, elle est placée en pension en France avec ses sœurs.

    Mais au Chili, les affaires de la famille Guy périclitent. Le père fait faillite, puis décède peu de temps après le frère ainé d'Alice. Les Guy rentrent en France et Alice entreprend des études de sténographie.

    Elle a 21 ans quand elle entre comme secrétaire au Comptoir général de la photographie. Mais l'entreprise dépose le bilan, puis est rachetée par trois de ses employés, dont Léon Gaumont qui en devient le directeur et garde les effectifs, dont Alice.

    En 1895, la jeune femme assiste avec son patron à une projection privée des frères Lumière. Léon Gaumont souhaite vendre des appareils de projection de vues animées, et rachète les brevets d'un système peu performant, le "Phonoscope". Pour compenser le peu de fiabilité de l'appareil, rebaptisé "Biographe", Alice Guy parvient à convaincre Gaumont d'offrir aux acheteurs des "vues comiques", petites saynettes dans la veine de L'Arroseur arrosé. D'abord réticent, Léon finit par autoriser sa secrétaire à faire un essai "en dehors des heures de travail".

    En 1896, à 23 ans, Alice Guy réalise donc son premier film : La Fée aux choux. Devant son succès, Léon Gaumont confie à la jeune femme la direction d'un service spécialisé dans les "vues animées de fiction". Entre 1996 et 1907, Alice sera donc la première réalisatrice et productrice du cinéma français.

    Alice Guy (1873-1968)

    Elle embauche des réalisateurs (dont Louis Feuillade), des acteurs, choisit, écrit, met en scène des sujets innovants : ainsi, le premier péplum, série de courts-métrages sur la vie de Jésus Christ. Elle capte aussi les prestations des chanteurs populaires dans des courts-métrages appelés "photoscènes", et va même jusqu'à faire le premier "making off" de l'histoire : Alice Guy tourne une photoscène.

    Certains de ses courts-métrages de fiction témoignent également d'un féminisme teinté d'ironie : ainsi, Les Résultats du féminisme (1906) présente un mode de vie inversé où les hommes s'occupent des tâches ménagères tandis que les femmes se prélassent dans les cafés. D'autres de ses œuvres, comme Une Femme collante ou Madame a des envies (également en 1906) détournent les clichés de genre avec humour.

    En 1907, Alice Guy épouse Herbert Blaché, un opérateur de la firme Gaumont, qui envoie le couple aux États-Unis pour élargir sa clientèle. Installés à Flushing, près de New York, les Blaché tentent de promouvoir le "Biographe" et Alice met au monde sa fille Simone en 1908. Deux ans plus tard, elle monte son propre studio, "Solax Film Co" dont elle est la présidente et la directrice de production. Cette même année 1910 nait son fils Reginald.

    Très vite, ses premiers studios deviennent trop petits et d'autres sont bâtis à Fort Lee dans le New Jersey en 1912. Ils accueillent d'autres compagnies de cinéma, comme la Goldwin Picture Corporation ou la société Pathé.

    Alice Guy y tourne plus d'une centaine de films, aussi bien des mélodrames que des films de guerre ou des westerns. Elle va aussi produire des œuvres basées sur des problèmes ethniques comme Across the Mexican Line (1911) ou A Man is A Man (1912). Elle réalise même A Fool and His Money (1912), mettant en scène uniquement des acteurs afro-américains.

    Alice Guy (1873-1968)

     

    Lorsque Herbert Blaché n'est plus sous contrat à la Gaumont, en 1913, Alice le nomme président de la Solax. Trois mois plus tard, il créée sa propre compagnie, Blaché Features, qui absorbe la société de son épouse avant de rejoindre la société Popular Plays and Players. 

    Cela n'empêche pas Alice Guy de continuer à tourner des films. Mais le monde du cinéma américain connait à ce moment un changement : les compagnies commencent à migrer vers la Côte Ouest, notamment dans un quartier de Los Angeles appelé Hollywood...

    En 1917, les enfants du couple Blaché tombent gravement malade et Alice s'installe avec eux en Caroline du Nord où elle rejoint les volontaires de la Croix Rouge. En 1919, Herbert quitte sa femme pour s'installer à Hollywood avec sa nouvelle compagne, une actrice.

    Alice va tourner deux films sur la Cote Ouest avant de divorcer en 1922. Un an plus tôt, elle a dû vendre les studios de Fort Lee pour éponger les dettes consécutives à la mauvaise gestion de son époux. 

    Cette même année 1922, Alice Guy rentre en France avec sa progéniture. Elle est âgée de 50 ans et ne trouve plus aucun emploi dans les sociétés cinématographique. De tout les films qu'elle a tourné outre-Atlantique, elle ne peut en récupérer que trois (la plupart de ses œuvres américaines sont considérées comme perdues aujourd'hui).

    Après avoir voyagé en Suisse et en France en suivant les postes de sa fille dans les ambassades américaines, Alice s'installe en 1947 à Wayne dans le New Jersey où elle écrit des contes pour enfants, parfois sous pseudonyme. Elle donne également des conférences dans les universités ou lors de conventions sur le cinéma.

    En 1957, elle reçoit un hommage de la Cinémathèque Française sur l'initiative de Louis Gaumont, le fils de Léon. Elle reçoit la Légion d'honneur l'année suivante. Le journaliste Victor Blachy l'interviewe en 1963, alors qu'elle a 90 ans, avant de publier sa biographie.

    Alice Guy décède le 24 mars 1968 à l'âge de 94 ans à Wayne. 

    Elle sombre dans l'oubli jusqu'en 1995, lorsque sort le documentaire Le Jardin oublié : la vie et l'œuvre d'Alice Guy-Blaché, réalisé par Marquise Lepage. Elle est ensuite citée dans Reel Models (2000), un autre documentaire - américain celui-ci - réalisé par Susan et Christopher Koch. Peu à peu, son nom sort de l'ombre : tout d'abord avec Looking for Alice (2008) de Claudia Collao, puis Be Natural : The Untold Story of Alice Guy-Blaché, réalisé par Pamela Green, qui sort en salles aux États-Unis en 2019 et trois ans plus tard en France. En 2021, Valérie Urrea et Nathalie Masduraud produisent Alice Guy - L'Inconnue du 7ème art, diffusé sur Arte.

    Enfin, sa contribution au cinéma exagonal est soulignée par un Prix Alice Guy, créé en 2018, qui récompense chaque année un film à financement majoritairement français réalisé par une femme. Notons aussi une pièce de théatre, Alice Guy, Mademoiselle Cinéma, écrite par Caroline Rainette, qui fut créé à Avignon en juillet 2022.

    Aujourd'hui, grâce notament à Internet avec la diffusion sur "Youtube" de certains de ses courts-métrages, Alice Guy retrouve sa place légitime de pionnière du cinéma.  

    « Adieu, Michael Gambon.Michael Caine se retire ! »

  • Commentaires

    1
    Burt
    Mercredi 4 Octobre 2023 à 00:42
    Je ne connaissais pas du tout Alice Guy, une persone importante dans l'histoire du cinéma. C'était très intéressant a lire, Val.
      • Mercredi 4 Octobre 2023 à 10:16

        Merci, Burt.
        Moi non plus, je ne connaissais pas Alice Guy avant de tomber sur une série d'Arte, "Cherchez la femme", qui évoque sous forme de courtes séquences animées des femmes "oubliées" dans des domaines divers (science, art, etc.). Disponible sur "Youtube", pour ceux et celles que ça interesse.

        D'ailleurs, depuis que j'ai fais cette découverte, j'ai repéré d'autres notules sur Alice Guy sur des chaines "Youtube" consacrées au cinéma. 

        Cette femme était une pionnière à bien des niveaux : elle a inventé le film "de fiction", avec scénario, acteurs, prises de vue en exterieurs... Le pire, c'est que ceraines de ses œuvres avaient été attribuées à des réalisateurs. 

         

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