Tête-à-tête entre deux "monstres politiques".

6 juillet 1815. Après la défaite de Waterloo, Napoléon vient d'abdiquer pour la seconde fois. La France se retrouve sans dirigeant, le peuple est inquiet. Dans une atmosphère où plane le spectre de la Révolution de 1789, Talleyrand (Claude Rich), ancien ministre des relations extérieures, invite Joseph Fouché (Claude Brasseur), ministre de la police et chef du gouvernement provisoire, à un souper dans son hôtel particulier.

Les deux hommes, tireurs de ficelles rodés aux arcanes de la politique, vont s'affronter afin de donner au pays un gouvernement où chacun d'eux pourra y trouver son compte...

Le Souper est un film d'Édouard Molinaro tiré de la pièce éponyme de Jean-Claude Brisville. Ce tête-à-tête entre deux personnages troubles de l'Histoire de France n'a jamais eu lieu, mais, par le biais d'un dialogue brillant, émaillé de répliques éclatantes (certaines étant des réparties de Talleyrand lui-même) donne à l'ensemble une "réalité" et même une intemporalité dérangeante.

En effet, comment ne pas voir, dans ce face-à-face politique durant un souper "secret", dans un lieu entouré d'une foule inquiète et menaçante, une certaine modernité ?  J'avoue que durant la première partie de ce film, je n'ai pas cesser de penser à notre actualité, remplaçant la vacance du pouvoir par la pandémie mal gérée par notre gouvernement. Très vite, pourtant, le dialogue et la personnalité des deux protagonistes s'éloignent de ces considérations, et renvoient à toutes les périodes de crises que la France a connu -et connaitra sans doute - durant son histoire.

Car, et c'est l'une des leçons de ce film, les arcanes du pouvoir resterons toujours inaccessibles au peuple, condamné seulement à subir les résultats des joutes politiques. Comme je le suppose depuis déjà bien longtemps, nous sommes et seront toujours dans une sorte "d'ancien régime" sous le couvert de la République.

Mais je digresse... parlons du film et de ses acteurs : Claude Rich et Claude Brasseur avaient créer ces rôles au théâtre, leur interprétation est tout à fait brillante. Ils maitrisent leurs dialogue et c'est un régal ! Autour d'eux, peu de seconds rôles, mais on a le plaisir de retrouver le regretté Ticky Holgado qui joue l'un des valets de Talleyrand. L'autre étant interprété par Yann Colette, un acteur au physique inquiétant. Alexandra Vandernoot fait deux apparitions muettes en nièce (et maitresse !) du "diable boiteux" et nous avons même la voix de Michel Piccoli à la fin, incarnant Chateaubriand dans un passage de "Mémoire d'Outre-tombe".

Le Souper est un film qui m'a énormément plu par son thème, passionnant et fascinant, décrivant deux "monstres politiques" si humains malgré tout.