Blacklisté.

Né le 16 mars 1908 à New York, Robert Rossen grandit dans le Lower East Side. Après l'université, il débute comme metteur-en-scène de théâtre dans des productions Off-Broadway. Sa spécialité est alors le "théâtre social et radical", comme les pièces de Richard Maibaum The Tree (1932) qui parle de lynchage ou Birthright (1933) sur le nazisme.

En 1935, il écrit et dirige sa propre pièce, The Body Beautiful, une comédie sur une danseuse burlesque, qui ne sera jouée que quatre fois. Néanmoins, elle impressionne favorablement Mervyn LeRoy, dirigeant de la Warner Bros, qui va engager Rossen comme scénariste.

Son premier travail à Hollywood est de scénariser et co-réaliser avec Aben Finkel le film Femmes marquées (1937), mais son premier scénario en solo est La ville gronde, réalisé par Mervyn LeRoy.

Il co-écrit ensuite le scénario de Jeunesse triomphante, l'histoire d'un jeune délinquant acquitté par la justice grâce à son avocat et un journaliste, mais la Warner ordonne que le script soit modifié. Réalisé par Lewis Seiler, avec John Garfield en vedette, le film sort en 1939

Rossen écrit ensuite les scénarios des films Les Fantastiques années 20 (1939 - Raoul Walsh) et Le Vaisseau fantôme (1941- Michael Curtiz), tiré du roman "The Sea Wolf" de Jack London. Rossen décrit le personnage de 'Wolf Larsen' comme un fasciste, à la fois victime et oppresseur, mais la Warner va couper une bonne partie du contenu politique du film.

Le 8 décembre 1941, la "Screen Writers Guilde" lance la "Hollywood Writters Mobilisation" destinée à impliquer les scénaristes dans l'effort de guerre. Rossen en sera président jusqu'en 1944. Le réalisateur militera également pour l'ouverture d'un second front pour aider la Résistance européenne contre le nazisme. Il sera aussi très actif au sein du parti communiste américain, et ces diverses activités seront tellement prenantes qu'il devra abandonner des projets de films comme Le Trésor de la Sierra Madre qui sera finalement réalisé par John Huston.

En 1945, Robert Rossen participe à un piquet de grève contre la Warner Bros. Renvoyé, il signe pour une maison de production indépendante créée par Hal Wallis, pour laquelle il écrit deux scénarios, L'Emprise du crime (1946 - Lewis Milestone) et La Furie du désert (1947 - Lewis Allen).

Sollicité par la Columbia, il met en scène L'Heure du crime (1947) avec Dick Powell, et enchaine avec Sang et Or, sur un scénario d'Abraham Polonsky, avant de fonder sa propre maison de production. Dans le même temps il signe avec Columbia un contrat lui laissant une grande liberté.

En 1949 sort Les Fous du roi d'après le livre de Robert Penn Warren, inspiré de la carrière d'un homme politique, Huey Long. Rossen y intègre l'idée que les défenseurs des gens ordinaires peuvent également les manipuler. Harry Cohn, patron de Columbia, fait changer une partie du récit, qu'il juge trop complexe pour les spectateurs, et demande que soit développé les relations entre les personnages.

Le film reçoit plusieurs prix, dont l'Oscar du meilleur film, du meilleur acteur (Broderick Crawford) meilleur second rôle féminin (Mercedes McCambridge), ainsi que le Golden Globe du meilleur film et du meilleur réalisateur.

Mais nous sommes au début de la "Chasse aux sorcières" :  en 1947, Jack Warner dénonce Robert Rossen comme communiste, arguant qu'il fut renvoyé de la Warner pour avoir "diffusé de la propagande communiste dans ses scénarios" (alors qu'il le fut pour ses activités syndicales).

Le réalisateur est alors convoqué par la "House Un-American Activities Commitee" (Commission sur les activités anti-américaine) en octobre 1947. Il refuse de témoigner, invoque le cinquième Amendement de la Constitution américaine, et déclare ne pas appartenir au Parti communiste. Il refuse toutefois de dire s'il y a appartenu.

Son silence lui vaut d'être inscrit sur la "Liste Noire", qui répertorie les personnalités d'Hollywood soupçonnées d'être communistes. La Columbia rompt son contrat et Rossen se retrouve dans l'impossibilité de travailler. Malade (il souffre de diabète), il se met à boire et, après des mois d'hésitation, il se rend en 1953 devant la Commission avec son ami Elia Kazan. Tout deux vont dénoncer 57 personnalités.

Alors que Kazan continuera à tourner et connaitra le succès, Rossen ne se remettra pas de cette trahison envers d'anciens amis. Il s'exile en Italie, écrit et réalise Mambo (1954) qui sera éreinté par la critique.

Il réalise ensuite Alexandre le Grand (1956), échec critique et publique, enchaine avec Ceux de Cordura (1959), un western désabusé sur la notion d'héroïsme et de courage dont il a écrit le scénario, puis co-écrit, produit et réalise L'Arnaqueur (1961) d'après le roman de Walter Tevis. Gros succès populaire, le film obtient deux Oscars (meilleure photographie et meilleure direction artistique) et relancera la mode du billard.

Il écrit et réalise Lilith (1964), sa dernière œuvre, qui sera un échec.

Robert Rossen meurt le 18 février 1966.