• Rire du racisme, ou rire avec les racistes ?

    Ou comment un simple post vire  à l'introspection pour votre servante...

    Faire rire du racisme est une des plus belles choses que sait faire le cinéma. Chaplin, Lubitch, Oury ont réalisé des chefs-d'oeuvre du genre. Et lorsque de tels films sont produits lors de "crises", leur impact n'en est que plus fort.

    Néanmoins, tout le monde n'a pas la finesse et le talent des trois réalisateurs cités plus haut. Ainsi en est-il de deux films à venir dont je viens d'entendre parler et qui risquent de faire parler, justement :

    Réalisé par Philippe de Chauveron (Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?), Sivouplééé ! (en cours de tournage) contera les mésaventures de Jean-Étienne de Fougerolle (Christian Clavier), un "intellectuel de gauche", qui a eu le malheur d'écrire un livre militant pour que chacun ouvre sa porte aux plus démunis. Mis au défi par une journaliste de donner l'exemple, il voit débarquer chez lui une famille Rom, menée par François Damiens.

    L'autre film, déjà tourné, porte le titre de Ils sont partout. Réalisé par Yvan Attal, il regroupe une série d'histoires tragi-comiques démontant les clichés antisémites, avec comme fil rouge les séances chez le psy d'un homme qui s'interroge sur son identité en tant que juif et français. Le film sortira en juin prochain.

     

     

     

    Autant le dire tout de suite, le premier film cité ne m'inspire pas du tout ! Déjà, je suis quasiment allergique à Christian Clavier. Ensuite, l'idée de "bobo" obligé de cohabiter avec une personne démunie a déjà été faite récemment (Le Grand partage) et enfin, j'ai bien peur que l'humour ne soit formaté pour faire rire le "Dupont-Lajoie" de base.

    J'avoue qu'en voyant la bande-annonce du deuxième film, j'ai tiqué, trouvant les ficelles trop grosses (ha, la fameuse équation juif = riche !). Il a fallu que je le lise le synopsis pour comprendre vraiment que la bande-annonce est peut-être trop insistante sur les effets "gros comique lourdingue". D'ailleurs, sur "Youtube", certains commentaires sont déjà très orientés, genre "On veux nous faire honte parce qu'on est des méchants français antisémites".

    J'ai failli tomber dans le piège, en me disant "c'est un film écrit par un juif qui cherche à se justifier d'être juif" (oui, je l'ai pensé...). Malgré mon dégoût du racisme et de l'antisémitisme, je suis moi aussi bourrée de préjugés. Du coup, je me suis interrogée sur ma relation aux films antiracistes...

    Si j'ai aimé To be or not to be et Le Dictateur, n'est-ce pas surtout parce que je suis née bien après les faits qu'ils dénoncent ? Que je les regarde comme des témoignages lointains sur le nazisme ? Pour Rabbi Jacob, c'est légèrement différent : d'abord, j'étais très jeune la première fois que je l'ai vu et tout ce que j'en ai retenu à l'époque, c'étaient la chute de la DS dans le lac, la cuve de chewing-gum et De Funès habillé en rabbin donnant des leçons de français dans un aéroport.

    Ensuite, lorsque je l'ai revu avec mes yeux "adultes" c'est-à-dire avec les clés pour comprendre les événements à la base du scénario, je l'ai aimé pour son contenu antiraciste. Mais, tout bien considéré, Gérard Oury a fait un film commençant comme une histoire drôle : "un français, un arabe et un juif se rencontrent..." Le reste ne parle pas formellement de racisme, ou d'antisémitisme.

    Cela parle de nos préjugés, de nos idées fixes : Victor Pivert s'étonne que son chauffeur soit juif, car il ne ressemble pas au "juif" tel qu'il l'imagine. Farès et ses sbires veulent éliminer Slimane pour des raisons purement politiques.

    En fait, Gérard Oury, sous couvert de comédie, démontre un fait tout simple : à la naissance, nous sommes tous des humains. Ce sont nos cultures, nos religions, nos idées politiques qui nous façonnent, nous donnent notre identité mais aussi, hélas, nos préjugés.

    Était-ce déjà le message de Lubitch et de Chaplin ? Est-ce le message du film d'Attal ? Est-ce qu'un jour, dans un monde -enfin - apaisé, des gens verront Sivouplééé ou Ils sont partout comme d'anodines comédies ?

     

    Rire du racisme, ou rire avec les racistes ?

     

     

    « Je suis toujours là !1er mai... Je bosse fort ! »

  • Commentaires

    1
    Daniel
    Samedi 30 Avril 2016 à 14:11

    Moi je n en peux plus de ces films  soit disant " a message" que ce soit une comédie ou pas. Chaplin et quelques autres ont fait ce qu il y a encore de mieux a ce jour mais c est devenu une mode  , une manière de gagner quelques prix  ( " Fatima" , par exemple , film quelconque mais il faut se donner bonne conscience alors le show bizz pétri de bon sentiments comme chacun sait ( ! ) applaudit debout pour mieux se repaitre dans le luxe après les cérémonies ) mais quid du public ? Je suis comme certains , je ne vais pas au cinéma pour voir ce dont on nous abreuve dans les journaux télés meme placés sur le ton de la comédie qui plus est quand elle est mauvaise ce qui est souvent le cas...n est pas Chaplin qui veut ! Sinon pour l anecdote , Louis de Funès était connu pour ses idées de droite voire d extrème droite sur certains sujets et le tournage de " Rabbi Jacob" l a complètement fait changer d avis et il s est sincèrement excusé des propos qu il aurait pu tenir ici ou la.., c est l attitude d un homme intelligent  peu ou pas assez informé sur certains sujets comme il le reconnaissait.. Oury a fait un film en espérant qu on y voit un petit message derrière la comédie et il est peu probable que quelqu un se risque a faire le meme film de nos jours. Il vaut mieux que ce soit bien lourd et bien gras , ça passe mieux. A noter que deux films , l un sur le Jihad et l autre ressemblant a un remake de " American History X" , tous deux français n ont pas trouvé preneur pour etre diffusé sur les écrans de cinéma ...moins de bons sentiments et plus de crédibilités ...ça peut faire peur ! Très bon post , Val.

    2
    Samedi 30 Avril 2016 à 14:27

    Chaplin a réalisé Le Dictateur parce qu'il voyait ce qui se profilait à l'horizon en 1939. Oury a voulu lui aussi désamorcer le lourd climat entre Israël et la Palestine (Rabbi Jacob sortit juste après le début de la "Guerre des six jours"). À ce propos, j'ai lu quelque part que Rabbi Jacob était l'un des films préféré de Yasser Arafat...

    Aujourd'hui, avec le "politiquement correct", nos "réalisateurs" et nos "stars", il est impossible de faire un film drôle ET intelligent sur le racisme, la montée de l'extrême-droite en Europe et le communautarisme.

    3
    FJWalk
    Samedi 30 Avril 2016 à 14:55

    Il ne faut jamais perdre de vue que TOUTES les comédies à gros budget françaises passent par les fourches caudines des chaînes de télé, afin que les films puissent passer en prime time le moment venu et ne pas heurter les annonceurs. Pas étonnant qu’on finisse avec des chefs-d’oeuvre comme ceux de Clavier ou Dany Boon... winktongue

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