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Les Sorcières de Salem (1957)
# balance-ton-proctor
Nous sommes au Massachusetts au 17ème siècle. Dans la petite communauté de Salem, le pasteur Paris (Jean Debucourt) lance de sa chaire des prêches exaltés à l'encontre des "pêcheurs" qu'il estime trop nombreux.
De son côté, le fermier John Proctor (Yves Montand) choque ses voisins en labourant le dimanche, jour du Seigneur. Un peu plus tard, il est abordé par sa servante Abigaïl (Mylène Demongeot), avec qui il a une liaison.
Cette nuit-là, la femme de Proctor, Elizabeth (Simone Signoret) surprend son époux dans le lit d'Abigaïl et renvoie immédiatement la jeune fille, qui cherche dès lors à se venger.
Les Sorcières de Salem est un film de Raymond Rouleau - qui y interprète le rôle du juge Danforth - adaptation de la pièce de théâtre d'Arthur Miller. Cette oeuvre, qui est au départ une condamnation du "MacCarthysme", est plus que jamais d'actualité aujourd'hui.
Car derrière le personnage du pasteur exalté se cache la tartufferie, le juge est un ambitieux, et la petite vipère d'Abigaïl n'est mue que par le désir d'avoir 'Maitre Proctor' pour elle seule, qu'importe si ses actions causent du tort à la communauté toute entière.
Je n'ai pu m'empêcher de penser lors du visionnage à notre époque étouffée par un renouveau du puritanisme, ce "politiquement corect" qui cache sous le tapis les véritables problèmes en s'attaquant aux symptômes et non à la maladie elle même.
Yves Montand est excellent en fermier (et représentant de sa communauté, ce qui n'est pas anodin dans ce contexte). Sa femme est jouée par Signoret, qui donne à ce personnage (f)rigide une dimension douloureuse : la rigueur de la religion la condamne à taire ses élans du coeur et du corps.
Lors de sa première scène, elle morigène sa fille qui veut simplement jouer à la poupée le jour du Seigneur. Dès lors son personnage semble être le plus haïssable, mais lors de la séquence du tribunal on commence à la comprendre et a compatir pour elle bien qu'elle ne se départira jamais de sa crainte de Dieu... ou bien c'est justement pour cela qu'elle est à plaindre ?
Mylène Demongeot, sensuelle et provocante, est une 'Abigaïl' extraordinaire de duplicité et de fiel. Mais n'est-elle pas, au même titre qu'Elizabeth, une victime de cet étouffement religieux ? Alors que l'une se plie aux diktats de l'hypocrisie ambiante, l'autre cherche son bonheur, quitte à faire souffrir autour d'elle.
Dans un sens, ces deux femmes sont les produits de leur société corsetée et rigoriste. Elles symbolisent la représentation biblique de la "sainte" et de la "putain".
Je vais même jusqu'à dire que le texte de Miller (et par conséquent ce film) est autant un hymne au féminisme qu'un brûlot contre la religion. Peut-on vraiment en vouloir à Abigaïl ? Peut-on vraiment condamner Elizabeth ?
Le personnage de Proctor, être simple et limpide, sans une once d'hypocrisie en lui et adepte d'une foi à son image, est la victime sacrificielle d'un pays, d'une époque et d'une religion gangrénées par le paraitre, l'orgueil et même l'appât du gain (car le pasteur lorgne ses terres).
Les Sorcières de Salem est un film intemporel sur les travers des hommes.
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