• La "Chasse aux sorcières" : péril rouge sur Hollywood

    Rouge ou noir ?

    La "Chasse aux sorcières" : péril rouge sur Hollywood1945. La Seconde Guerre Mondiale s'achève. Mais un autre conflit commence : la Guerre Froide. Une ère de troubles et de paranoïa s'ouvre aux États-Unis, qui atteindra son apogée dans une véritable "purge" qui n'a pas grand chose à envier à celles du "Grand ennemi communiste" : le MacCarthysme.

    Revenons un peu en arrière : En 1938, la Chambre des représentants créée une commission,  L'HUAC (House Un-American Commitee), qui a d'abord pour seul rôle de proposer des amendements à la Constitution dans la lutte contre les partisans américains d'idéologies ou de régimes totalitaires que sont le fascisme et le communisme.

    En 1946, alors que la défiance du gouvernement américain à l'encontre de l'URSS se fait plus forte, le président Harry Truman instaure une commission temporaire chargée d'enquêter sur la "loyauté des fonctionnaires fédéraux". La même année, la HUAC est relancée et se transforme en commission d'enquête sur les activités subversives et "non-américaines".

    En 1952, Dwight Eisenhower devient président des États-Unis et un sénateur républicain, Joseph McCarthy, va être amené à présider une sous-commission d'enquête permanente du Sénat qui jusque là travaillait sur des cas de corruptions ou de fraudes. Bénéficiant de nombreux effectifs et de moyens d'investigation conséquents, elle va permettre à McCarthy de mettre en pratique ses méthodes personnelles pour traquer les communistes avérés ou supposés.

    Le terme "McCarthysme" - d'abord utilisé par ses opposants dès 1950, puis repris à son compte par le sénateur lui-même - désignera donc toutes les commissions et sous-commissions chargées à l'époque de débusquer les communistes (ou supposés tels).

    La "Chasse aux sorcières" : péril rouge sur HollywoodAinsi en est-il de la HUAC. Dirigée par le député républicain du New Jersey J. Parnell Thomas, elle s'attaque à Hollywood, réputé depuis les années 30 pour abriter des "fortes têtes libérales" (comprenez "gauchistes"). Il faut dire qu'après la guerre, les grèves et les mouvements revendicatifs se font plus réguliers dans les studios, la Screen Writers Guild, le syndicat des scénaristes, devient la "bête noire" des producteurs. Le climat se dégrade très vite et les grandes grèves de 1945 et 1946 poussent les magnats du cinéma a réclamer un coup de balais salutaire.

    Au printemps 1947, les festivités commencent : les premières audiences de la HUAC (qui se déroulent à huis-clos) sont consacrées aux témoins dit "amicaux", c'est-à-dire aux délateurs : les producteurs Jack Warner, Walt Disney et Louis B. Mayer, les scénaristes Ayn Rand et Morrie Ryskind, les réalisateurs Sam Wood et Léo McCarey, les acteurs Robert Taylor, Gary Cooper, Robert Montgomery et Ronald Reagan, etc.

    En octobre ont lieux les audiences - publiques - de dix-neufs témoins "inamicaux" : dix d'entre eux refuseront de répondre à la question "Êtes vous ou avez-vous été membre du parti communiste ?". Surnommés "Les 10 d'Hollywood", ils seront accusés d'outrage au Congrès et devront purger des peines de prison allant de six mois à un an.

    Penchons-nous un instant sur ces dix individus hautement dangereux pour la démocratie américaine : les scénaristes John Howard Lawson (par ailleurs co-fondateur de la Screen Writers Guild), Dalton Trumbo, Lester ColeAlvah Bessie, Albert Maltz, Ring Lardner Jr, Samuel Ornitz. Les réalisateurs Herbert Biberman (l'un des fondateurs de la Ligue antinazie d'Hollywood), Edward Dmytryk, et le scénariste et producteur Adrian Scott, connu pour avoir produit (pour la RKO) certains films de Dmytryk.

    La "Chasse aux sorcières" : péril rouge sur HollywoodAlors que la plus grande partie du milieu du cinéma se désolidarisera de ces dix fortes têtes, un groupe de soutien va se constituer, sous la houlette de John Huston, William Wyler et Philip Dunne. Nommé "Comité pour le Premier Amendement", il va enrôler des vedettes comme Humphrey Bogart, Lauren Bacall, Danny Kaye, Richard Conte et Gene Kelly, qui vont se rendre à Washington pour défendre les droits des accusés.

    Ce mouvement va avoir un tel retentissement que les auditions seront momentanément suspendues. Hélas, les "Dix d'Hollywood" vont refuser de se réfugier derrière le 5ème Amendement de la Constitution américaine (qui reconnait à tout citoyen américain le droit de refuser de témoigner si cela risque de l'incriminer lui-même) ; ne pouvant approuver une telle attitude, le "Comité pour le Premier Amendement" est dissous.

    La commission poursuit son travail de sape : à la suite d'une annonce de la Motion Picture Association of America (MPAA), une liste des personnalités d'Hollywood soupçonnées de sympathie communiste est produite : ce sera la fameuse "Black list". Depuis les machinistes jusqu'aux stars, n'importe qui peut être convoqué, parfois simplement parce qu'on l'a vu parler à un "communiste" notoire.

    Des carrières sont brisées : ainsi l'acteur John Garfield qui ne se remettra jamais de l'ostracisme et mourra d'une crise cardiaque un an après sa convocation.

    Certains vont choisir l'exil : Joseph Losey, Jules Dassin, Orson Welles et Charlie Chaplin vont faire carrière en Europe, comme le dramaturge Bertold Brecht.

    D'autres vont collaborer, reniant leur appartenance au parti communiste et donnant des noms. L'un des cas les plus célèbres est celui d'Elia Kazan, qui plus tard réalisera Sur les quais, un film par lequel il tente de se justifier. Un autre "délateur", Robert Rossen, s'en voudra jusqu'à la fin de sa vie de sa trahison.

    La "Chasse aux sorcières" : péril rouge sur Hollywood

    Dans le même temps, à Hollywood, le show doit continuer : plus de films "sociaux", mais des comédies musicales, d'innocentes bluettes ou des westerns sortent pour le plus grand plaisir des masses. Ironie du sort, certaines de ces œuvres sont écrites par des scénaristes "black listés" qui travaillent sous de faux noms : face à l'avènement de la télévision, les producteurs savent qu'en se séparant de leurs plus talentueux écrivains, ils se tirent une balle dans le pied.

    Mais une forme de "résistance" à la chasse au sorcières se concrétise à l'écran : des films comme On murmure dans la ville (Joseph Mankiewicz, 1951), Le Train sifflera trois fois (Fred Zinneman, 1952), Quatre étranges cavaliers (Allan Dwan, 1954) ou Johnny Guitare (Nicholas Ray, 1954) évoquent à mots plus ou moins couverts le drame du MacCarthysme.

    Mais que devient McCarthy, au fait ? Et bien, il  va tomber par excès de zèle : dans son collimateur, le major Irving Peress, démis de ses fonctions au sein de l'armée pour avoir refusé de répondre à un questionnaire sur ses opinions politiques. Pour le sénateur, la sanction n'est pas assez forte. Il réclame en vain la court martiale à son encontre puis convoque son supérieur, le général Ralph W. Zwiker.

    La "Chasse aux sorcières" : péril rouge sur HollywoodMcCarthy somme le général de lui donner les noms de tous ceux impliqués dans la décision de démettre Peress. Devant le refus de Zwiker, le sénateur le déclare "inapte à porter l'uniforme" et va jusqu'à qualifier son intelligence "digne d'un enfant de cinq ans" !

    Cette fois, même les plus farouches soutiens de McCarthy sont gênés par ses propos. La presse et l'opinion publique se détournent de lui, et il va se retrouver à son tour sur la sellette : du 22 avril au 17 juin 1954, une sous commission examine ses accusations portées contre l'armée.

    Le 30 juillet 1954, le sénateur républicain Ralph Flanders dépose une motion de censure contre McCarthy. Le 2 août, une commission bipartite - trois républicains et trois démocrates - est constituée pour examiner son cas.

    Le 2 décembre 1954, le Sénat adresse un blâme à Joseph McCarthy. Perdant tout crédit auprès des politiques, marginalisé, il sombre dans l'alcoolisme. Il décède le 2 mai 1957 à Bethesda.

    À Hollywood, la "Black list" pérdurera jusqu'en 1960, lorsque Kirk Douglas, producteur du film Spartacus, impose le nom de Dalton Trumbo, scénariste du film, au générique.

    Si aujourd'hui le MacCarthysme est associé le plus souvent à la "chasse aux sorcières" d'Hollywood, il faut aussi tenir compte qu'entre 1947 et 1953, 26 000 employés de l'administration fédérale firent l'objet d'une enquête de la "commission McCarthy". Il y eu 7 000 démissions, 739 révocations, au motif d'appartenance à des organisations "subversives", d'immoralité sexuelle, d'homosexualité ou de consommation de drogue.

     

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