• John Wayne, figure paternelle ?

    Père, protecteur, oncle... Les visages du "Duke" auprès des jeunes.

    John Wayne, figure paternelle ?John Wayne, c'est le héros de l'Amérique, le cowboy droit dans ses bottes, le militaire irréductible, le flic incorruptible. Est-ce pour cette raison qu'il interpréta dans sa carrière un père ou un protecteur pour des  garçons et filles de tout âge ?

    En effet, lorsque l'on étudie de plus près sa filmographie, on s'aperçoit qu'il a partagé l'affiche avec de jeunes acteurs avec qui il développe à l'écran une relation tendre et parfois drôle, dans une optique d'humanisation d'un personnage souvent "dur".

    Le tout premier de ces films semble être Sous le soleil d'Arizona (1934), dans lequel celui qui n'était pas encore le Duke doit protéger une orpheline héritant d'un gisement de pétrole. Mais parmi ses films les plus connus de ses débuts figure Le Fils du désert (1948) où, hors-la-loi en fuite, il doit s'occuper du plus jeune protégé de sa carrière, un bébé. Autre oeuvre entrant dans cette catégorie : Hondo, l'homme du désert (1953) : John Wayne y interprète le rôle-titre, un éclaireur de l'armée qui va rencontrer une jeune veuve (Geraldine Page) et son fils (Lee Aaker) dont il va devenir le "héros". Bien sûr, il n'est pas le premier à inspirer l'admiration d'un enfant dans un western : un an plus tôt, Alan Ladd avait fait de même dans L'Homme des vallées perdues. Mais en l'occurrence, l'honneur est sauf, puisque rien ne l'empêche de se lancer dans l'aventure de la famille recomposée.

    John Wayne, figure paternelle ?On notera à ce propos que John Wayne ne sera jamais un "voleur de famille", pas plus qu'il ne va s'amouracher d'une très jeune fille : l'acteur a une image paternelle mais ne sera nullement déviant, aussi scrupuleux envers la famille qu'envers la loi et l'ordre dont il incarnera souvent le représentant. Ainsi, il prend sous son aile la fille d'un ami (Hatari, Le Plus grand cirque du monde) ou cherchera inlassablement celle de son frère (La Prisonnière du désert), quand il ne fait pas passer les enfants de son meilleur ami pour les siens afin d'éviter à l'ami en question des problèmes familiaux (La Taverne de l'Irlandais) !

    Mais lorsqu'il est lui-même père à l'écran, il se retrouve confronté à une progéniture plus ou moins difficile : dans La Rivière rouge (1948), il est un rancher intraitable en total désaccord avec son fils adoptif joué par Montgomery Clift, dans  Le Grand McLintock (1963), il doit composer avec une épouse volcanique (Maureen O'Hara) et une fille non moins épuisante (Stefanie Power), tandis que dans Les Cordes de la potence, son personnage, marshall de son état, doit faire face à son fils ainé (Gary Grimer) qui lui fait payer ses nombreuses absences en s'alliant à une bande de hors-la-lois.

    Une autre constante dans la carrière de Wayne, la présence parfois d'un jeune chanteur, à commencer bien sur par Rio Bravo (59) où il côtoie Ricky Nelson, tandis que Frankie Avalon puis Fabian partagent l'affiche avec lui, respectivement dans Alamo et Le Grand Sam, tous deux sortis en 1960. Ces présences quelque peu incongrues dans les films du Duke est à mettre dans cette catégorie "paternaliste" de l'acteur, qui était à l'époque une des plus grandes stars du cinéma américain : ces jeunes chanteurs se retrouvaient ainsi "adoubés" par John Wayne, même si (sauf erreur de ma part) leur carrière cinématographique a tournée court. On peut aussi penser à un besoin d'attirer les jeunes vers le western, à une époque où le genre commençait à décliner.

    Dans Cent dollars pour un shérif (69), il doit se coltiner une gamine insuportable (Kim Darby) et un "Texas Ranger" joué par le chanteur country Glenn Campbell. Une cumulation, en quelque sorte.

    Dans la "suite" du précédent film, Une bible et un fusil (1975), un jeune Indien suis le "couple" qu'il forme avec Katharine Hepburn, et dans Les Bérets verts (1963), il est souvent accompagné d'un enfant vietnamien devenu la "mascotte" de son unité.

    L'un des films les plus emblématiques du "paternalisme" du Duke est, bien entendu, Les Cowboys (1971) où, dans le rôle d'un rancher vieillissant, il se retrouve obligé d'employer des écoliers pour convoyer son bétail. Véritable voyage initiatique, passant d'une hilarante scène de beuverie à la disparition dramatique d'un des apprentis cowboys, ce long-métrage atteint son point culminant lors de la mort de Wayne, qui marque la fin de l'innocence pour les jeunes héros et leur entrée définitive dans le monde des adultes.

    Et puis, comment ne pas clore ce post avec l'ultime film du Duke, Le Dernier des géants, qui met en scène, comme Hondo, une veuve (jouée par Lauren Bacall) et son fils (Ron Howard, alors adolescent), même si l'on sait dès le début que l'histoire se finira mal. Peut-on y voir une façon de "boucler la boucle" ?

    John Wayne, figure paternelle ?John Wayne, figure paternelle ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les diverses formes de paternité que certains réalisateurs lui ont fait endosser au fil de sa carrière démontrent que pour beaucoup, John Wayne symbolisait l'image du père, protecteur, sincère, mais aussi maladroit, voire dépassé par une certaine forme de révolte juvénile, surtout à la fin des années 60 et au début des années 70, néanmoins toujours fort et solide, prêt à pardonner et à aider son ou sa protégé(e)... Un père idéal, en quelque sorte ?

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 29 Mai 2016 à 15:31

    Dans "Rio grande", le film tourne autour de la relation entre Wayne et un de ses jeunes soldats, son fils de seize/dix-sept ans , qu'il n'a pas revu depuis quinze ans... Dans "La charge héroïque", ses deux enfants et sa femme sont morts depuis des années et il se recueille sur leurs tombes constamment, amenant sa chaise, ce qu'a probablement repris Stallone dans son Rocky 6.

    2
    Dimanche 29 Mai 2016 à 15:43

    J'ai revu Rio Grande vendredi et, effectivement, j'aurai pu mettre ce film dans le présent post (un oubli de ma part sans doute).

    Tiens, ce que tu dis sur La Charge héroïque me fait penser que je pourrai faire un post sur John Wayne et la mort de ses proches, une constante dans ses films (Fred avait déjà fait un article à se sujet, il me semble).

    3
    Dimanche 29 Mai 2016 à 15:54

    Si j'ai pensé à "Rio Grande", c'est bien car je l'ai revu hier après un long moment, et le revois ce soir m'étant honteusement assoupi en cours.

    Ton sujet de post est très intéressant. Dans "La charge héroïque", on ne sait pas pourquoi sa famille est morte dix ans avant (le même jour pour sa femme et un enfant, et deux jours plus tard pour son autre enfant). Dans "True grit", son enfant n'est pas mort, mais il n'a pas revu "Horace" depuis des années. Une famille est difficilement compatible avec une vie d'aventurier présentée dans un film de genre. dans le fantastique "The shepherd of the hills", Wayne pour une des rares fois fait face à une figure paternelle, qu'il hait. Il a plus souvent été père que fils, et souvent père absent.

    4
    Dimanche 29 Mai 2016 à 16:14

    Les rapports de John Wayne avec la famille sont souvent conflictuels : dans La Prisonnière du désert, si ma mémoire est bonne, son frère lui reproche d'avoir été du "mauvais côté" lors de la guerre de Sécession (je vérifierai avant d'écrire mon post). Dans True Grit que tu évoque, il a laissé partir sa femme et leur fils, sans doute par incompatibilité de caractère.

    Dans nombre de ses films, il est veuf, ou vieux garçon. Dans Un silencieux au bout du canon, il est divorcé (dans une scène, il rend visite à son ex-femme et à sa fille adolescente).

    Wayne se constitue souvent une "famille" dans les films de Ford : l'armée dans sa "trilogie de la cavalerie", ses comparses dans Le Fils du désert...  Encore un autre post en perspective ? (Le Duke est un sujet inépuisable)

    wink2

    5
    Dimanche 29 Mai 2016 à 16:31

    Inépuisable oui. Wayne jouait des variations du personnage qu'il avait imposé au cinéma. Dans un film 'à la Capra' peu connu et situé en période contemporaine, "Trouble along the way", son rôle est essentiellement celui d'un père divorcé perdant la garde de sa fille, le seul rôle où la filiation est directement abordé (avec "Rio grande" ?). Dans "L'aigle vole vers le ciel" (biopic contemporain), la relation de son personnage avec ses enfants est également abordée, si mes souvenirs sont bons (une de mes phrases préférées ;-)).

    6
    Dimanche 29 Mai 2016 à 16:43

    Je m'aperçois en lisant tes commentaires que je ne connais que la partie la plus connue et "westernienne" de la filmographie de John Wayne. Il va falloir un jour que je me plonge dans la recherche de ses films les plus anciens, les plus "contemporains" (notamment ses films de guerre).

    7
    Daniel
    Dimanche 29 Mai 2016 à 22:05

    J ai toujours aimé penser que la fin de John Wayne dans " Les cowboys" signait la fin d un western de toute une époque  ( celle de Wayne , Cooper, Stewart et  d autres ) alors il y a eu bien sur " Le dernier des géants " mais je prends ça pour un dernier " rappel " comme au théatre ( le film d ailleurs ressemble a une longue pièce de théatre).  Finalement Wayne a toujours été paternaliste dans ses films : avec les enfants ( les siens présumés et les autres ) , les collègues jeunes ou moins jeunes , les jeunes filles ou femmes ( qu elles finissent dans ses bras ou pas ) , les collègues de beuveries et en cherchant bien on trouvera une scène ou Wayne se montre aussi paternaliste envers un cheval ou un chien  et meme , pourquoi pas envers un indien. Car Wayne était " le" père de l Amérique au cinéma ...et c est comme ça qu on l aime..

    8
    Lundi 30 Mai 2016 à 13:42

    Il y a aussi "Cahill", western mineur et horrifique, où Wayne doit sauver son jeune fils enlevé par des salopards (excellent George Kennedy).

    Tout à fait d'accord avec Daniel. L'image de Wayne était essentiellement celle du paternaliste, du père qui doit être respecté même quand il n'est pas respectable et pas un père exemplaire, sauf dans les films avec Ford, où les scènes de relation avec les indiens étaient plus fines et égalitaires ("La charge héroïque", notamment). Mais dans "Rio Grande", il y a une belle scène à la fin avec son fils où il le met sur un pied d'égalité en lui demandant alors qu'il est blessé de l'aider en lui ôtant une flèche et en le mettant sur son cheval : le fils est devenu un homme. "Les cowboys" est la fin waynienne du western, le passage de relais : j'espère que Tommy Lee Jones arrivera à monter le remake de ce film, dont il caresse l'idée depuis des années."Le dernier des géants" est la fin, l'agonie du Wayne cowboy, fin amère et osée : après lui, le cycle de la violence doit s'arrêter, c'est un peu son "Impitoyable" et son "Gran Torino", Eastwood a quelque fois parlé d'en faire sa version, il l'a fait indirectement. Dans ce dernier film, Wayne y résume son credo au début du film et en parlant avec Ron Howard.

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