Le polar français des années 70.

"Les américains disposent d'atouts que nous n'avons pas. En France, si on fait un film on ne peut pas échapper aux "Pin-pon, pin-pon" de la petite 4L qui arrive ventre à terre. Les agents qui vont se tenir le képi de la main gauche et le bâton de la main droite pour courir !... Je veux dire que cela a souvent un côté opérette à Mogador. Les bagnoles américaines, leurs avertisseurs, les flics en manteau de cuir, les lunettes cerclées d'or, les cartouchières : ça a quand même une autre gueule !"

Ainsi s'exprimait Lino Ventura dans les années 70 à propos du "polar" français, sous-entendant qu'un certain "complexe d'infériorité" prévalait. Mais Philippe Durant, auteur de "Gabin, Ventura, Delon...", se charge de le détromper : le film policier de cette décennie a vu apparaitre des classiques du genre, depuis Le Clan des Siciliens jusqu'à Série noire.

Le genre n'a effectivement pas à rougir de la comparaison avec son homologue américain. Si Bullit (sorti en 68) a inspiré nombre de courses-poursuites en voitures outre-Atlantique et sous nos latitudes, l'imagination de nos réalisateurs n'est pas en reste : le détournement d'avion spectaculaire dans Le Clan des Siciliens ou le cambriolage du Cercle rouge sont devenus des références.

Dans les années 70, il y a un "triumvirat" d'acteurs populaires : Gabin, Ventura, Delon, tout trois abonnés aux rôles de flics ou de voyous. Le premier, qui débuta dans les personnages de marlous avant la guerre, fut un gangster "respectable" dans les années 50 avant de se glisser dans la peau du commissaire Maigret, et se promena durant la décennie qui nous intéresse d'un côté ou de l'autre de la loi, au gré des films. Ventura, par contre, s'il commença sa carrière dans des rôles de voyous et d'hommes de main, est devenu au cinéma un homme droit et honnête, flic (Adieu poulet)  ou simple citoyen embarqué dans une histoire (Un homme en colère).

Delon, comme Gabin, passe du commissaire (Flic Story) au voyou (Le Gitan), mais le public semble le préférer dans ce dernier rôle. Son côté "sauvage", sans doute.

Le livre parle également des autres acteurs du genre et de la décennie, Michel Piccoli (Max et les férailleurs, Sept morts sur ordonnance), Yves Montand (Police Python 357, I comme Icare) Philippe Noiret (L'Horloger de Saint-Paul) ou Jean-Louis Trintignant (Le Voyou, La Course du lièvre à travers les champs), sans oublier bien sûr  Jean-Paul Belmondo (Le Casse, Borsalino, Flic ou voyou).

Un chapitre en début d'ouvrage est consacré aux acteurs américains venu jouer en France, on y parle bien sûr de Bronson (Le Passager de la pluie), mais aussi de Robert Ryan (La Course du lièvre à travers les champs, film que l'auteur semble détester), Rod Steiger - qui s'est attiré la haine de  Claude Chabrol et Romy Schneider sur le tournage du film Les Innocents aux mains sales - et Orson Welles, dont la présence aux côtés de Marlène Jobert et Anthony Perkins ne sauvera pas La Décade prodigieuse de l'échec commercial.

Le polar parle de flics, de voyous, mais aussi... de politique : lorsqu'un film aborde certains sujets dits "sensibles", les autorités s'inquiètent. L'Attentat (évocation de l'affaire Ben Barka), Le Juge Fayard, dit Le sherif, tout deux d'Yves Boisset, vont chatouiller les susceptibilités, c'est le moins que l'on puisse dire !

Vous l'aurez compris, "Gabin, Ventura, Delon... Les légendes du polar" analyse les films policiers de la décennie 70, surtout le policier "sérieux", bien sûr : pas de Tendre poulet, ni de Gendarme en   balade ! Peut-être dans un prochain livre ?

Gabin, Ventura, Delon... Les légendes du polar de Philippe Durant - Édition Sonatine.

Note : Philippe Durant est déjà l'auteur des livres suivants, chroniqués sur ce blog :

Les éléphants : Blier, Carmet, Marielle, Rochefort et les autres...

La bande du Conservatoire