• André Cayatte et l'Affaire Seznec.

    Inspiration pour un réalisateur.

    L'Affaire Seznec est l'une des affaires judiciaires les plus passionnantes du 20ème siècle : Guillaume Seznec, patron d'une scierie près de Morlaix, est condamné en 1924 au bagne pour le meurtre de Pierre Quémeneur, homme d'affaire et politicien dont le corps ne sera jamais retrouvé. Durant près d'un siècle, la famille Seznec tentera en vain de réhabiliter Guillaume.

    Si j'en parle ici, c'est parce qu'en lisant très récemment "Nous, les Seznec" (2006) de Denis Seznec, j'ai appris un fait que je ne connaissais pas et qui concerne le milieu du cinéma.

    En 1932, la famille de Pierre Quémeneur attaque en justice le journal "La Province" qui soutient Guillaume Seznec. L'avocat engagé pour défendre le périodique, Maître Philippe Lamour, compte parmi ses assistants un certain André Cayatte...

    Début 1950. Devenu metteur en scène, André Cayatte commence à interroger Guillaume Seznec (revenu du bagne en 1947) et sa famille. Il a l'intention de réaliser un film sur l'affaire, et, à des journalistes qui l'interrogent à ce sujet, il annonce que ce sera une sorte de "documentaire" qui démontrera que c'est l'inspecteur Bonny qui a trafiqué les preuves.

    Mars 1951. Comme il est d'usage, le scénario écrit par Cayatte est soumis à la "Commission de censure du cinéma". Sur intervention personnelle du ministre de la Justice, René Mayer, la commission refuse de lui donner l'accord préalable pour trouver un emprunt nécessaire au film.

    Le tollé est bien sûr général : des artistes, des intellectuels, des journaux, et même la Ligue des Droits de l'Homme protestent. Lors du Festival de Cannes cette année-là, on ne parle que de cela et le nom de René Mayer est brocardé. Des producteurs britanniques proposent au réalisateur de venir en Angleterre pour tourner le film - loin des "pressions" de la justice française.

    Entre temps, Cayatte est reçu à l'Élysée par le président Vincent Auriol qui, sensible aux arguments du cinéaste, promet d'intervenir.

    Un meeting de protestation est prévu pour le 11 mai 1951, organisé par le Comité de défense du Cinéma français, et qui réunirait le "gratin" du cinéma. Quelques heures avant, coup de théâtre : le ministère de la Justice publie un communiqué annonçant qu'il se réserve le droit d'interdire la diffusion du film une fois celui-ci terminé.

    En apparence, donc, le ministère laisse le droit à André Cayatte d'aller au bout de son projet... sauf qu'aucun producteur n'accepterait de mettre de l'argent dans un film qui a de grandes chances de ne pas sortir ! Comme il se doit, "L'Affaire Seznec" restera dans les cartons...

    Plus tard, André Cayatte écrira : «J'ai renoncé à tourner "L'Affaire Seznec" car il existe une mystérieuse opposition qui exerce un très fort pouvoir. Mais je suis resté obsédé par cette affaire. J'aurai voulu la reconstituer à l'écran. J'ai alors tourné des films qui, sous une fiction, en utilisait les éléments. Ainsi sont nés "Justice est faite", "Nous sommes tous des assassins", "Avant le déluge", "Le Dossier noir", "Le Glaive et la Balance".»

    André Cayatte et l'Affaire Seznec.

     

    Une quarantaine d'années plus tard, Yves Boisset réussira là où Cayatte avait échoué : L'Affaire Seznec est un téléfilm en deux parties diffusé sur TF1 en 1993, avec Christophe Malavoy, Jean Yanne, Nathalie Rouvel et Madeleine Robinson. Inspiré par le livre éponyme de Denis Langlois, il rassemblera plus de dix millions de téléspectateurs et obtiendra trois 7 d'Or : meilleur réalisateur de fiction et meilleur auteur pour Yves Boisset, ainsi que meilleur film de télévision.

     

    Note : Pour ceux que cela intéresse, mon post concernant le livre de Denis Seznec est en ligne sur Tant que mon coeur bat. (lien ici).

     

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