• Akira Kurosawa (1910-1998) - 1ère partie

    Le samouraï du cinéma.

    Akira Kurosawa (1910-1998) - 1ère partieAkira Kurosawa nait à Tokyo le 23 mars 1910. Son père, Isamu, descendant d'une famille de samouraï célèbres, est directeur de l'école secondaire de l'institut d'éducation physique de l'armée impériale. Sa mère est issue d'une famille de marchands d'Osaka.

    Le jeune Akira est le dernier né d'une fratrie de 7, grandissant avec 3 de ses frères et soeurs, les ainés étant déjà adultes à sa naissance. Isamu Kurosawa promeut l'exercice physique auprès de ses enfants, mais il leur donne également le goût de la culture occidentale - notamment le théâtre et le cinéma, que le futur metteur en scène découvre à l'âge de 6 ans. Il se passionne également pour le dessin et la peinture, et apprendra aussi la calligraphie et le kendo.

    Le jeune garçon sera très influencé par son frère Heigo, de quatre ans son aîné. En 1923, après le séisme qui ravagea le Kantô, Heigo l'emmènera dans les quartiers les plus détruits de la capitale, l'obligeant à regarder les cadavres afin qu'il puisse affronter ses peurs. Certains prétendent que cette expérience traumatisante aura un rôle majeur dans l'évolution de la sensibilité du jeune Kurosawa.

    Heigo est un élève brillant mais il échoue à l'examen d'entrée au lycée. Il se détache alors de sa famille et devient à la fin des années 20 commentateur de films muets.

    Au même moment, Akira veut devenir peintre, et emménage avec lui. Les deux frères passeront leurs temps libres au cinéma, au théâtre et au cirque. Akira expose ses toiles mais n'arrive pas à vivre de son art, aussi s'en désintéresse-t-il peu à peu.

    L'arrivée du cinéma parlant au début des années 30 va entrainer pour Heigo des problèmes financiers, tandis que son frère retourne vivre chez leurs parents. En 1933, Heigo et sa compagne se suicident. Cet événement dramatique affectera douloureusement le futur réalisateur, d'autant plus qu'un autre de ses frères mourra quatre mois plus tard.

    En 1935, le studio Photo Chemical Laboratories (P.C.L) recherche des assistants-réalisateurs. Akira, qui est alors illustrateur de livres, décide de postuler. L'entreprise demande aux candidats d'écrire un essais sur "les défauts fondamentaux du cinéma japonais et comment y remedier". Kurosawa va envoyer cette simple réponse : "Si ces défauts sont fondamentaux, alors il n'y a aucun moyen de les corriger." Ce trait d'humour va taper dans l'oeil du réalisateur Kajirô Yamamoto, qui va insister pour que le jeune homme soit recruté.

    C'est ainsi qu'à 25 ans, Akira Kurosawa est engagé chez P.C.L. Pour la petite histoire, cette compagnie prendra plus tard le nom de Toho...

    Durant cinq ans, il est assistant-réalisateur sur quelques 84 films, principalement des oeuvres de Kajirô Yamamoto qui, en une année, le fera passer de "troisième assistant" à "assistant-réalisateur en chef". Il lui donnera ainsi de plus en plus de responsabilités et lui conseille d'écrire ses propres scénarios. C'est ainsi que Kurosawa vendra certains de ses scripts à ses producteurs mais P.C.L ne lui donnera pas l'occasion de se lancer dans la mise en scène. Néanmoins, en 1941, Yamamoto confie à son jeune assistant l'essentiel de la production de son film Uma pendant que lui-même s'occupe d'un autre tournage.

    Akira Kurosawa (1910-1998) - 1ère partieKurosawa cherche une histoire qui pourrait lancer sa carrière de réalisateur lorsque sort en 1942 le roman de Tsuneo Tomita, "Sugata Sanchirô", sur la naissance du judo. Après avoir lu l'ouvrage, le jeune assistant-réalisateur demande à la Toho l'achat des droits et obtient de le réaliser.

    Le tournage de ce qui deviendra La Légende du grand Judo débute à Yokohama en décembre 1942, et si la production se passe bien, la censure va mettre des bâtons dans les roues du jeune réalisateur, estimant que le film est trop "anglo-saxon" dans sa conception -n'oublions pas que nous sommes en pleine Seconde Guerre mondiale, et que la propagande impériale est fortement anti-occidentale.

    Le réalisateur Yasujirô Ozu va défendre le film qui sortira en 1943 amputé néanmoins de 18 minutes qui sont considérées comme perdues aujourd'hui.

    Le deuxième film de Kurosawa, Le Plus beau, est basé sur un de ses propres scénarios et raconte de manière semi-documentaire la vie de jeunes ouvrières d'une usine de lentilles optiques à usage militaire. Au cours de la production, l'actrice Yôko Yaguchi, qui interprète la meneuse des ouvrières, est choisie par ses collègues pour présenter au metteur en scène leurs doléances. Paradoxalement, alors qu'ils s'opposent en permanence sur la conception du film, Yaguchi et Kurosawa se rapprochent et finissent par se marier le 21 mai 1945. Le couple aura deux enfants, Hisao (né le 20 décembre 1945) qui produira plus tard les derniers films de son père, et Kazuko (née le 29 avril 1954) qui deviendra costumière.

    Le Plus beau sort en 1943 et Kurozawa est obligé ensuite par la Toho de sortir une suite à La Légende du grand Judo. Ce sera La Nouvelle légende du grand Judo (1945), simple film de propagande qui est aujourd'hui considéré comme l'un des moins bons du réalisateur.

    Durant les derniers mois de la guerre, Kurosawa écrit le scénario de son nouveau film, Les Hommes qui marchent sur la queue du tigre, basé sur une pièce du théâtre kabuki intitulée Kanjirohô. Terminée en 1945 et mettant en vedette l'acteur Enoken, cette oeuvre sera bloquée par la censure mise en place par les américains après la défaite japonaise. Elle ne sortira qu'en 1952.

    Le premier film du réalisateur à sortir après la guerre est donc Je ne regrette rien de ma jeunesse (1946). Il est inspiré d'un incident politique : en 1933, le ministre japonais de l'éducation interdit à un professeur de droit de continuer d'enseigner pour cause de "thèses de conception marxistes". Ses confrères de la fac démissionnèrent en guise de protestation. Ce film va diviser la critique, à la fois sur son sujet controversé et par le fait que le personnage principal en soit une femme. Par contre, le public japonais le plébiscite et le titre devient très vite une phrase à la mode.

    Son film suivant, Un merveilleux dimanche (1947), où un couple appauvrit par la guerre tente de profiter d'un dimanche, seul jour de repos, est inspiré des oeuvres de Frank Capra, D.W. Griffith et F.W. Murnau.

    Akira Kurosawa (1910-1998) - 1ère partieLa même année sort La Montagne d'argent, réalisé par Senkichi Taniguchi mais dont le scénario est signé Kurosawa. Ce film marque les débuts d'un jeune acteur, Toshirô Mifune. Ce sont Kurosawa et Yamamoto qui insistèrent auprès du réalisateur et des producteurs pour qu'il soit engagé.

    Kurosawa engage Mifune pour un rôle de yakusa tuberculeux dans L'Ange ivre (1948). L'acteur "crève" littéralement l'écran et enterre son partenaire Takashi Shimura qui interprète pourtant le héros, un médecin alcoolique tentant de le sauver de la maladie. Ce film sera élu "Meilleur film de l'année" par la revue "Kinema Jumpô".

    Peu après, Kurosawa, le producteur Jôjirô Motoki et les réalisateurs Kajirô Yamamoto, Mikio Naruse et Senkichi Taniguchi fondent l'Association artistique cinématographique. La société co-produira avec la Daiei Motion Picture Company le film Le Duel silencieux (1949), réalisé par notre metteur en scène d'après la pièce du même nom de Kazuo Kikuta.

    Toshirô Mifune y joue un jeune médecin idéaliste luttant contre la syphilis ; ce sera un succès au box-office nippon, même s'il est généralement considéré comme l'un des moins réussit du cinéaste.

    Mifune est devenu l'acteur-fétiche de Kurosawa : en 1949, Chien enragé le met en scène dans le rôle d'un jeune détective qui se fait voler son arme. Notons que ce film est une adaptation par le réalisateur d'un de ses romans, écrit dans un style proche de Georges Simenon. L'une de ses séquences les plus célèbres montre Mifune, déguisé en vétéran, déambulant dans les rues de Tokyo ravagées par la guerre. Cette séquence fut réalisée à partir d'extraits d'un documentaire sur la capitale filmée par Inoshirô Hondô, ami de Kurosawa et futur réalisateur de Godzilla.

    Suivra Scandal (1950), un drame sur la presse à scandale et la liberté d'expression. La même année, Kurosawa réalise son premier film mettant en scène des samouraï, et qui marquera le cinéma mondial par son thème...

    (dans la deuxième partie de ce post : l'accession du réalisateur au statut de "Maitre" du cinéma japonais et mondial).

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 23 Mars 2017 à 14:37

    Bravo pour ton texte éclairant ! Je viens justement de me procurer 4 des oeuvres dites de jeunesse de Kurosawa, qui me sont inconnues. S'il est connu pour ses films d'époque, il a incroyablement su bien traiter sa propre époque avec des thèmes variés, jusqu'à l'étourdissant "Dode's Kaden". "L'ange ivre" est un superbe film. Il admirait Jean Renoir. C'était un amoureux du cinéma américain, notamment de John Ford qui l'influença beaucoup et qu'il voulut absolument rencontrer (A un moment il adopta le look lunettes noires de Ford). John Ford avait visité un tournage de Kurosawa, "Qui marche sur la queue du tigre" sans que celui-ci ne le sache. Ford rendit un bel hommage à un Kurosawa tétanisé et ému, Kurosawa assista à côté de Ford au tournage d'une scène de "Inspecteur de service", Ford après la scène le remercia en japonais et s'inclina, puis le fit applaudir par toute l'équipe. 

      • Jeudi 23 Mars 2017 à 23:26

        On reconnait les grands réalisateurs au respect qu'ils se vouent mutuellement...

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